Lundi 21 Octobre dernier, au centre pénitentiaire de
Poitiers-Vivonne, un prisonnier s'est tranché la carotide dans sa
cellule en fin d'après-midi. Deux jours plus tard, un
quinquagénaire est retrouvé pendu dans sa cellule. La veille, la
chambre de l'instruction lui avait refusé la liberté.
L'argumentaire de l'avocat général pour motiver un retour en
prison ne manque pas de bonnes intentions : « Il y a un risque de
récidive et cet homme est dangereux pour lui-même »*. Le magistrat
n'a peut-être pas eu connaissance de ces quelques drames
ordinaires qui font du champ des Grolles le théâtre privilégié
d'événements morbides, pourtant relayés dans la chronique des
faits divers du canard du coin. Aussi nous paraît-il important de
les lui rappeler.
Au décompte des suicides, le centre pénitentiaire de Vivonne
affiche le triste score de 4. Sans doute ni plus, ni moins que
dans toute prison, toujours trop et plus que chez des individus
libres. Le dernier a eu lieu en mai dernier. Un homme de 38 ans
qui s'est donné la mort quatre jours seulement après sa mise sous
écrou. En mars 2012, au moment de la visite de contrôle de
l'établissement par l'autorité compétente, le contrôleur général
des lieux de privation de liberté, les rapporteurs notaient
« aucun suicide mais 27 tentatives », concernant presque toutes
des condamnés, dont sept ont eu lieu au quartier disciplinaire.
Parmi celles-ci, notre homme retrouvé pendu il y a trois semaines.
Il n'en était pas à se première tentative, l'avocat général avait
vu juste : « il y a un risque de récidive ».
L'administration pénitentiaire prendrait-elle avec légèreté
sa responsabilité à l'égard des personnes que l'autorité
judiciaire lui confie ? En tout cas à Vivonne, certainement pas.
Confiscation des vêtements personnels, mise à disposition de la
collection de prêt-à-porter de marque « DPU » (pour Dotation de
Protection d'Urgence, pyjama déchirable anti-suicide), formations annuelles sur la « prévention
des conduites suicidaires », mise en place d'une surveillance
rapprochée avec l'attribution d'un codétenu de soutien, commission
pluridisciplinaire spécialement dédiée au traitement d'un public à
risque suicidaire, labellisation « RPE » du quartier arrivant et
obligation de rencontre d'un psychiatre ou d'un psychologue au
moment de la mise sous écrou, ainsi qu'un « suivi individualisé »
tout au long de l'incarcération pour les personnes qui ont déjà
attenté à leur vie ou émis l'idée de le faire... on ne badine pas
avec le suicide et on croit en la possibilité de sa prévention.
Mais rien à faire : les tentatives restent nombreuses
(l'emprisonnement, quelle que prenne sa forme, y compris dans une
« nouvelle » prison avec label qualité, demeure suicidogène) et
imprévisibles (le contrôle des consciences échappe encore à
l'emprise des technologies du risque et de l'anticipation les plus
sophistiquées). Et finalement le choc de ces découvertes macabres
et la responsabilité de ces vies sont supportés en première ligne
par les compagnons de cellule et les agents chargés du premier
niveau de surveillance.
Justifier ainsi un renvoi en prison au motif d'un danger que
représente l'individu pour lui-même apparaît au regard de
l'histoire de cet homme tristement cynique. Aussi partageons nous
l'indignation de l'avocat en charge de la défense des intérêts de
ce dernier : « Si la prison servait à protéger, ça se saurait ! »,
monsieur l'avocat général.
* Informations extraites de l'article de la Nouvelle
République
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